Asclepius
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(Version Louis Ménard)



7. 1  
Commençons à parler de l'esprit et autres choses semblables. Il y avait Dieu et Hylè, c'est ainsi que les Grecs appellent la matière ou substance du monde. L'esprit était avec le monde, mais non de la même manière qu'avec Dieu. Ces choses dont se compose le monde ne sont pas Dieu, aussi n'existaient-elles point avant leur naissance, mais elles étaient déjà dans ce qui devait les produire. Car en dehors de la création il n'y a pas seulement ce qui n'est pas encore né, mais ce qui est privé de fécondité génératrice et ne peut rien faire naître. Tout ce qui a la puissance d'engendrer contient en germe tout ce qui peut en naître, car il est facile à ce qui est né de soi de faire naître ce qui produit tout. Donc le Dieu éternel ne peut et n'a pu naître; il est, il a été, il sera toujours. La nature de Dieu est d'être son propre principe. Mais la matière ou la nature du monde et l'esprit, quoique paraissant nés dès l’origine, possèdent la puissance de naître et de procréer, la force féconde. Car le commencement est dans la qualité de la nature qui possède en elle-même la puissance de conception et de production. Elle est donc sans intervention étrangère, principe de création. Il en est autrement de ce qui possède seulement la force de conception par le mélange avec une autre nature. Le lieu du monde et de tout ce qu'il contient semble n'être pas né, et il a en lui toute la nature en puissance. J'appelle lieu ce qui contient toutes choses, car elles n'auraient pu être sans avoir un lieu pour les contenir. Tout ce qui existe a besoin d'une place; ni qualités, ni quantités, ni positions, ni effets ne pourraient se distinguer dans des choses qui ne seraient nulle part. Ainsi le monde, quoiqu'il ne soit pas né, a en lui le principe de toute naissance, puisqu'il offre à toutes choses un sein propre à leur conception. Il est donc la somme de qualités et de matière susceptible d'être créée, quoique non créée encore.
7. 2  
La matière, étant féconde en toute qualité, peut aussi engendrer le mal. J'écarte donc, ô Asclèpios et Ammon, la question posée par plusieurs : « Dieu pouvait-il retrancher le mal de la nature des choses? » Il n'y a absolument rien à leur répondre; mais pour vous je poursuivrai le discours commencé et je donnerai des explications. Ils disent que Dieu aurait dû préserver le monde du mal; or, le mal est dans le monde comme un membre qui en fait partie. Le souverain Dieu y a pourvu autant qu'il était raisonnable et possible, quand il a daigné accorder à l'humanité Je sentiment, la science et l'intelligence. Par ces facultés qui nous placent au-dessus des autres animaux, nous pouvons seuls échapper aux pièges du mal et aux vices. L'homme sage et garanti par l'intelligence divine sait s'en préserver dès qu'il les voit et avant de s'y être laissé entraîner. Le fondement de la science est la souveraine bonté. L'esprit gouverne et fait vivre tout ce qui est dans le monde ; c'est un instrument ou une machine qu'emploie la volonté du souverain Dieu. Ainsi nous devons comprendre, par la seule intelligence, le suprême intelligible qu'on nomme Dieu. Par lui est dirigé cet autre Dieu sensible qui comprend tous les lieux, toutes les substances, la matière de tout ce qui engendre et produit, en un mot, tout ce qui est.
7. 3  
Quant à l'esprit, il fait mouvoir ou gouverne tous les êtres particuliers qui sont dans le monde, selon la nature que Dieu leur a assignée. La matière, Hylè, ou le monde, est le réceptacle, le mouvement, la répétition de toutes les choses que Dieu gouverne, dispensant à chacune d'elles ce qui lui est nécessaire, les remplissant d'esprit selon leurs qualités. La forme du monde est celle d'une sphère creuse, ayant en elle-même la cause de sa qualité ou de sa forme entièrement invisible ; si, choisissant un point quelconque de sa surface, on voulait en regarder le fond, on ne pourrait rien voir. Elle ne paraît visible que par les formes spéciales dont les images semblent gravées sur elle; elle se montre en effigie, mais en réalité elle est toujours invisible pour elle-même. C'est pourquoi le centre, la partie inférieure de la sphère, si toutefois c'est un lieu, s'appelle en grec ἄδης, invisible, de εἴδειν voir, parce qu'on ne peut voir le centre d'une sphère. Aussi les espèces ou apparences s'appellent-elles idées, ἰδέαι, parce que ce sont les formes de l’invisible. Ce fond de la sphère, que les Grecs appellent Adès, parce qu'il est invisible, les latins le nomment Enfer, à cause de sa position inférieure. Tels sont les principes primordiaux, les sources premières de toutes choses. Tout est en eux ou par eux, ou vient d'eux.
7. 4  
ASCLÈPIOS : Ces principes sont donc, ô Trismégiste, la substance universelle de toutes les apparences particulières?
7. 5  
HERMÈS : Le monde nourrit les corps, l'esprit nourrit les âmes; la pensée, don céleste qui est l'heureux privilège de l'humanité, nourrit l'intelligence; mais un petit nombre seulement ont une intelligence capable de recevoir un tel bienfait. C'est une lumière qui illumine l'intelligence comme le soleil illumine le monde et plus encore, car la lumière du soleil est souvent interceptée par la lune, ou par la terre quand vient la nuit ; mais quand la pensée a pénétré une fois dans l'âme humaine, elle se mêle intimement à sa nature, et l'intelligence ne peut plus être obscurcie par aucun brouillard. C'est pourquoi on a dit avec raison que les âmes des Dieux sont des intelligences; pour moi, je ne dis pas cela de tous, mais des grands Dieux supérieurs.  


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Chapitre 7
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