The Chönyid Bardo [LE BARDO DE L'EXPERIENCE DE LA REALITE ]
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(Version Marguerite La Fuente)



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L'aube des divinités irritées du 8ème au 44ème jour
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Introduction
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Maintenant doit être décrite l'aube des Divinités irritées. Dans le Bardo précédent des (Divinités) Paisibles, il y avait sept stages d'embûches. La confrontation à chaque stage aurait dû faire reconnaître l'un ou l'autre (des stages) et donner la Libération.
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Des milliers d'êtres seront libérés par cette reconnaissance ; (et) bien qu'une multitude obtienne la libération ainsi, le nombre des êtres sensibles étant grand, le mauvais karma puissant, les obscurcissements denses, les tendances trop longtemps conservées, la Roue de l'Ignorance et de l'Illusion continue à tourner sans être arrêtée ni accélérée.
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Bien que (tous) soient confrontés ainsi en détail, une grande majorité continuera à errer en descendant sans être libérés.
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Donc, après la cessation (de l'apparition) des divinités Paisibles et Détentrices du Savoir qui sont venues l'accueillir, paraîtront les 58 Divinités entourées de flammes irritées buveuses de sang, qui ne sont que les Divinités Paisibles sous un aspect nouveau. Suivant la place (occupée dans le corps Bardique du mort par le centre psychique qui les émet), elles paraîtront différentes (209).
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C'est le Bardo des Divinités Irritées et comme elles sont influencées par la peur, la terreur et la crainte (210), la reconnaissance devient plus difficile. L'intellect ne gagnant pas en indépendance, passe d'un état défaillant à une suite d'états semblables. (Pourtant) si l'on a une lueur de connaissance, il est plus aisé d'être libéré (à ce stage). S'il est demandé pourquoi on répondra : c'est à cause de l'apparition des radiations – qui produit peur, terreur, crainte – l'intellect est donc tenu en alerte et concentré sans distractions (211).
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Si à ce stage on ne rencontre pas cet enseignement-ci, l'entendement (en science religieuse) fût-il (vaste) comme l'océan, ne servira à rien. Il peut y avoir des abbés détenteurs de la discipline, des docteurs en métaphysique, qui errent dans de stage et n'ayant pu reconnaître la lumière rôdent dans le Sangsāra.
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Quant aux gens ordinaires, est-il besoin d'en parler ? En fuyant par peur, terreur et crainte, ils tombent par delà les précipices dans les mondes malheureux et souffrent. Mais le plus humble des croyants de la doctrine mystique des mantrayānas, dès qu'il voit les divinités buveuses de sang, les reconnaîtra pour être ses divinités tutélaires et leur rencontre sera comme celle de connaissances humaines. Il croira en elles et se fondant en elles, atteindra en union l'état de Bouddha (212).
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Ayant médité sur les descriptions de ces divinités buveuses de sang, alors qu'il vivait dans le monde, leur ayant rendu hommage, les ayant vénérées, ou au moins les ayant vues représentées en tableaux et images, lorsqu'il verra se lever les divinités de ce stage, il les reconnaîtra et la libération en résultera. En cela consiste la réussite.
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Aussi, à la mort des abbés détenteurs de la discipline et des docteurs en métaphysique (qui sont demeurés ignorants de ces enseignements du Bardo), si assidûment qu'ils se soient dévoués aux pratiques religieuses et si habiles qu'ils aient été dans l'exposé de leurs doctrines pendant qu'ils vivaient, il ne se produira aucun signe ou phénomène tel que arc-en-ciel (autour du bûcher funéraire) ou relique d'os (dans les cendres). Cela parce que, durant leur vie, ils n'ont pas gardé dans leur cœur les doctrines mystiques (ou ésotériques), qu'ils en ont parlé avec mépris et qu'ils n'ont jamais connu (par initiation) les déités des doctrines mystiques, ainsi, quand elles paraissent dans le Bardo, ils ne les reconnaissent pas. Voyant soudain ce qu'ils n'ont jamais vu auparavant, cette vue leur est antipathique et ce sentiment d'antagonisme étant éveillé les fait passer dans des états douloureux d'existence. Il s'ensuit que si les observants des disciplines et les métaphysiciens n'ont pas pratiqué les doctrines mystiques, tels signes comme l'arc-en-ciel, les reliques d'os et les os en forme de grains n'apparaissent pas (au bûcher funéraire) (213) et la raison vient d'en être donnée.
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Le plus humble des croyants mantrayāniques peut avoir des manières peu raffinées, être peu diligent et sans tact, ne pas vivre en concordance avec ses vœux, paraître inélégant dans ses vêtements, être incapable de suivre les pratiques des enseignements jusqu'à leur issue. Que personne malgré tout ne ressente de mépris pour celui-là, que personne ne doute de lui, mais que l'on ait respect pour les doctrines mystiques (qui sont en lui). Par cela seulement on obtiendra la libération à ce stage.
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Même si les actes (d'un être comme celui-là) n'ont pas été très corrects dans le monde humain, à sa mort paraîtra au moins l'un des signes : arc-enciel, figures d'os, reliques d'os. Et cela parce que la doctrine ésotérique possède comme don, de grandes ondes psychiques (214). Ces croyants mystiques mantrayāniques d'un développement psychique ordinaire, qui ont médité sur le processus de l'évocation des visions et les procédés de perfection et pratiqué les (mantras) essences (215), n'ont pas à errer ici en dépassant le Chönyid Bardo. Dès que leur respiration cesse ils sont conduits aux purs royaumes paradisiaques par les Héros et Héroïnes et les Détenteurs du Savoir (216). En signe de cela, le ciel sera sans nuage, ils se fondront en lueur d'arc-en-ciel, la terre sera inondée de soleil, une odeur d'encens passera, de la musique s'entendra dans les cieux, des lueurs se verront et l'on trouvera des reliques d'os et des formes (dans les cendres du bûcher funéraire).
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Donc, il s'ensuit que pour les abbés, les docteurs, les mystiques qui ont manqué à leurs vœux et tout le commun peuple, ce Thödol est indispensable (217). Mais ceux qui ont médité sur la Grande Perfection et le Grand Symbole (218) reconnaîtront la Claire Lumière au moment de leur mort ; et, obtenant le Dharma-Kāya, ils seront de ceux pour qui la lecture de ce Thödol n'est pas nécessaire. Reconnaissant la Claire Lumière au moment de leur mort, ils reconnaîtront aussi les visions, des Divinités Paisibles et Irritées dans le Chönyid Bardo et obtiendront le SamboghaKāya ou, les reconnaissant dans le Sidpa Bardo, obtiendront le NirmānaKāya. Ils renaîtront alors dans les plans les plus hauts et, à cette prochaine renaissance, rencontreront cette Doctrine et jouiront de la continuité du karma (219).
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Par cela, ce Thödol est la Doctrine par laquelle l'état de Bouddha peut être atteint sans la méditation. La Doctrine libérant par l'entendement seul (de cette doctrine). La Doctrine qui conduit des êtres chargés de mauvais karma sur le Sentier Secret, la Doctrine qui produit une différenciation instantanée (entre les initiés et les non initiés), étant la Doctrine profonde qui confère l'Illumination parfaite instantanément. Les êtres sensibles qui ont été atteints par elle ne peuvent aller dans les états malheureux.
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Cette Doctrine et celle du Tahdol (220) étant jointes sont comme un mandala d'or incrusté de turquoises. Réunissez-les.
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Ainsi, la nature indispensable de ce Thödol étant démontrée, voici venir maintenant la confrontation avec l'avènement des (Divinités) Irritées dans le Bardo.
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Notes

(209) Jusqu'à présent les 52 divinités paisibles et détentrices du Savoir, émises par les centres psychiques du coeur et de la gorge (du corps du Bardo du mort) ont brillé. Les divinités irritées qui vont paraître maintenant sont émises par le centre du cerveau. Elles sont les formes excitées ou irritées des divinités paisibles (qui lorsqu'elles ont leur contraste d'aspect irrité, comprennent les déités détentrices du Savoir). Voir note 57 et Addenda II.
(210) La peur, terreur et fascination du mort en voyant ces déités n'ont lieu que chez l'être ordinaire, qui, suivant le texte, n'a pas eu durant sa vie un entraînement yogī nécessaire qui lui permette au moment de la mort, de reconnaître le Bardo pour ce qu'il est et d'aller au-delà. Pour l'adepte Yogī qui peut dominer le Bardo, et maîtriser la mort et qui sait que toute apparence ou apparition est irréelle et sans force dans ce monde-ci et les autres, il n'y a pas d'expérience du Bardo à faire. Son but est : soit une renaissance immédiate et consciente parmi les nommes ou les paradis, soit, le fruit de ses existences étant vraiment mûr (ce qui est très rare), le Nirvāna.
(211) A peine une lueur cesse que l'autre jaillit, le mort n'ayant pas un moment de distraction, son esprit se concentre et reste sur le qui-vive.
(212) Le sang symbolise l'existence sangsārique ; boire le sang symbolise avoir soif de l'existence sangsārique, boire cette existence, étancher la soif de cette existence. Pour le croyant qui – même à ce stage – peut arriver à réaliser que ces déités ne sont que les personnifications karmiques de ses propres tendances nées parce qu'il a vécu et bu la vie, il a cet avantage : le pouvoir suprême de les affronter sans trembler, les rencontrant comme des êtres connus. Puis, perdant en elles sa personnalité, il comprend alors l'explication de la vraie nature de l'existence sangsārique, et par cela vient l'Illumination toute parfaite appelée l'état de Bouddha.
(213) La croyance répandue dans tous les peuples depuis le fond des temps, que des phénomènes inaccoutumés marquent la mort (ou la naissance) et les funérailles d'un grand héros ou d'un saint, existe aussi parmi les Tibétains. Les Lāmas pensent que ces phénomènes ont une explication purement rationnelle, ainsi que le suggère le texte. Bien plus, les Lāmas maintiennent que si un être vraiment saint meurt, on trouve dans les cendres du bûcher funéraire des morceaux de ses os ayant pris des formes sculptées merveilleuses, et des nodules comme des perles ou grains.
(214) Ce qui veut dire que les doctrines ésotériques, étant réalisables (parce qu'elles sont basées sur la vérité), celui qui les suit ou les révère, est par cela même automatiquement mis en rapport avec des forces psychiques définies.
(215) Les croyants qui ont pratiqué de façon scientifique, sous la direction d'un guru compétent les intonations de certains mantras sacrés appelés les mantras essentiels ; tels par exemple : Ōm Manī Padme Hūm, Salut au joyau dans le Lotus, ou Salut à lui qui est le Joyau dans le Lotus ; Ōm Wagi Shorī Mūm, Salut au Seigneur de la Parole Mūm ; Ōm Vajra Pāni Hūm, Salut à Celui qui tient le dorje. Ce sont les trois mantras essentiels des trois protecteurs du Lamaïsme. Le (1er est celui de Bodhisattva Chenrazee (Avalokita) "Celui qui voit avec des yeux pénétrants". Le (2ème est celui de Bodhisattva Jampalyang (Mañjugosha), le Dieu du Savoir Mystique. Le (3ème celui de Bodhisattva Chakdor (Vajra-pāni), le Dieu du Tonnerre.
(216) Voir prière dans The Book of the Craft of Dying, chap. VI, p. 45, éd Comper. "Quand ton âme sortira de ton corps, que les glorieuses phalanges des anges viennent au-devant de toi. Que l'ost victorieux des juges dignes de respect…"
(217) Les Lāmas enseignent que si la simple bonté et la connaissance des livres sont désirables chez les adeptes qui cherchent la Libération, la sagesse spirituelle unie à une foi profonde et la mise de côté de tout "intellectualisme", leur sont indispensables. Un des préceptes des grands Yogīs tibétains, qui est appris à tous les néophytes, est celui-ci : "Il est vraiment difficile d'obtenir la Libération par le seul savoir intellectuel ; par la foi, la Libération est aisément obtenue".
(218) La Grande Perfection est l'enseignement de la doctrine fondamentale concernant l'acquisition de la Perfection ou état de Bouddha, dans l'école du Guru Padma Sambhava. Le Grand Symbole (Chhag-chhen, en sans. : Mahā Mudrā) se rapporte à un ancien système indien de Yoga, enseigné aussi par cette école, mais plus spécialement pratiqué aujourd'hui par les adeptes de la secte demiréformée de Kargyutpa, fondée dans la seconde moitié du XIème siècle par le savant tibétain yogī Marpa. Ayant séjourné aux Indes comme disciple du pandit Atisha et de Naropa, il introduisit le Grand Symbole au Tibet. Milarepa : le plus aimé des yogīs tibétains, successeur de Marpa, développa la pratique du Grand Symbole et en fit la fondation de l'enseignement de la Secte.
(219) Si la Réalité est reconnue dès qu'elle paraît, si le Dormeur de l'existence sangsārique est réveillé dans l'état divin de Sambogha-Kāya, durant le Chönyid Bardo, le cycle normal des renaissances est rompu. Et si cet être éveillé retourne au monde humain en toute volonté et conscience comme une incarnation divine, c'est pour travailler au relèvement de l'humanité. Si la reconnaissance n'a lieu que dans le Sidpa Bardo, on atteint seulement le Nirmāna-Kāya, ce n'est qu'un éveil partiel, une réalisation nuageuse de la Réalité. Le Sidpa Bardo étant un plan très inférieur au Chönyid Bardo. Mais même là on peut gagner quand même le grand bienfait d'une renaissance spirituellement illuminée dans l'un des plans les plus hauts : deva-loka, asura-toka, plan humain. S'il est né dans le monde humain, le croyant aura la vertu des tendances acquises dans la vie précédente, il retrouvera l'étude des doctrines mystiques mantrayāniques et les pratiques yogīs au point où il les avait laissées à sa mort, et ceci sera la continuité du karma.
(220) Texte : Btags-grol (pron. : Tah-dol), un petit ouvrage tibétain consistant uniquement en mantras, et employé comme accompagnement au Bardo Thödol. Si le mort connaît les mantras du Tah-dol, il traversera sûrement le Bardo et aura une renaissance heureuse, car ce sont de puissants talismans. Très souvent une copie du Tah-dol ou quelques-uns des mantras écrits sur des petites bandes de papier roulées, sont attachés au corps pour être brûlés avec lui. Comme le Livre des Morts était mis par les Égyptiens avec les momies.


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