The Chönyid Bardo [LE BARDO DE L'EXPERIENCE DE LA REALITE ]
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19 Verses | Page 1 / 1
(Version Marguerite La Fuente)



9. 1  
Septième jour
9. 2  
Au septième jour, les Divinités qui tiennent le Savoir viendront, des saints royaumes paradisiaques, pour recevoir le mort. En même temps, le chemin du monde brute, créé par les passions obscurcissantes et la stupidité, s'ouvrira pour le recevoir (196).
9. 3  
La confrontation à ce moment se fait en appelant le mort par son nom ainsi :
9. 4  
"Ô fils noble, écoute sans distractions. Au septième jour, les radiations de diverses couleurs des tendances purifiées viendront briller. En même temps les Déités qui Tiennent le Savoir (197) viendront des saints royaumes paradisiaques pour te recevoir.
9. 5  
Au centre du Cercle, auréolé d'une radiation de lumière d'arc-en-ciel, le Suprême Détenteur du Savoir, le Lotus seigneur de la danse, le Suprême Possesseur du Savoir qui mûrit les fruits du Karma, rayonnant des cinq couleurs, enlacé par la Mère, la Dākini rouge (198), (lui) tenant un couteau recourbé et un crâne (rempli) de sang (199) dansant et faisant le mudrā de fascination (200) (avec sa main droite dressée) viendra briller devant toi. A l'est du cercle, la déité appelée : le Possesseur du Savoir demeurant sur terre, de couleur blanche, avec une expression radieusement souriante, enlacé par la Dākini blanche la Mère, portant un couteau recourbé et un crâne rempli de sang, dansant et faisant le mudrā de fascination, viendra briller.
9. 6  
Au sud du cercle, la déité possédant le Savoir nommée : (Celui) qui a pouvoir sur la durée de la vie, de couleur jaune, souriant et radieux, enlacé par la Dākini jaune la Mère, tenant un couteau recourbé et un crâne rempli de sang, dansant et faisant le mudrā de fascination, viendra briller.
9. 7  
A l'ouest du cercle, la déité appelée : Celui qui tient le Savoir du Grand Symbole (201), de couleur rouge, souriant et radieux, enlacé par la Dākini rouge la Mère, tenant une faucille et un crâne rempli de sang, dansant et faisant le mudrā de fascination, viendra briller.
9. 8  
Au nord du cercle, la déité Celui qui tient le Savoir évolué par luimême ; de couleur verte, avec une expression demi-fâchée, demisouriante, radieux, enlacé par la Dākini verte la Mère, tenant un couteau recourbé et un crâne rempli de sang, dansant et faisant le mudrā de fascination, viendra briller.
9. 9  
Sur le cercle extérieur autour de ces Détenteurs du Savoir, des bandes innombrables de Dākinis : Dākinis des huit places de crémation, Dākinis des quatre classes, Dākinīs des trois demeures, Dākinis des trente lieux saints et des vingt-quatre pèlerinages(202) des héros et héroïnes, des guerriers célestes, des déités protectrices de la Foi masculines et féminines, parés chacun des six ornements d'os, ayant des tambours et des trompettes en fémurs, des tambourins en crânes humains, des bannière gigantesques semblant faites de peau humaine (203), des dais et emblèmes en peau humaine, faisant fumer l'encens de graisse humaine, portant d'innombrables sortes d'instruments de musique, remplissant tous les systèmes du monde et les faisant vibrer, remuer, trembler par des sons assez puissants pour étourdir le cerveau et dansant des mesures variées, viendront recevoir le fidèle et punir l'infidèle (204).
9. 10  
Ô fils noble, cinq radiations colorées du Savoir né simultanément (205) qui sont les tendances purifiées, vibrantes, éblouissantes, comme des fils de couleurs, semblables à des éclairs, radieuses, transparentes, magnifiques, inspirant la peur, sortiront dos cœurs des cinq Divinités principales tenant le Savoir et frapperont ton cœur ; elles seront si brillantes que l'œil ne pourra supporter leur vue.
9. 11  
Au même moment, une terne lueur bleue venue du monde brute, apparaîtra le long des radiations de Sagesse. Et par l'influence des illusions de tes tendances, tu seras effrayé des radiations des cinq couleurs, et (tu désireras) les fuir, tu te sentiras attiré par la terne lueur du monde brute. Pourtant, ne sois pas effrayé par la brillante radiation des cinq couleurs, ni terrifié, mais connais cette Sagesse pour être la tienne.
9. 12  
Dans ces radiations, le son naturel de la Vérité se répercutera comme des milliers de tonnerres. Le son viendra comme des ondes roulantes, on pourra entendre : "Tue, tue" et les mantras (206) qui inspirent la peur. Ne crains pas. Ne fuis pas. Ne sois pas terrifié. Connais-les pour être les facultés intellectuelles de ta propre lumière.
9. 13  
Ne sois pas attiré vers la terne lueur bleue du monde brute ; ne sois pas faible. Si tu es attiré, tu tomberas dans le monde brute où la stupidité domine et tu souffriras les misères illimitées de l'esclavage, du mutisme, de la bêtise (207). Et il se passera un très long temps avant que tu puisses en sortir. Ne sois pas attiré par cela. Mets ta foi dans la brillante et éblouissante radiation des cinq couleurs. Concentre ton esprit sur les déités "Conquérants détenteurs du Savoir". Pense uniquement ceci : "Les Déités qui tiennent le Savoir, les Héros et les Dākinis sont venus des saints royaumes des paradis pour me recevoir. Je les supplie tous. Jusqu'à ce jour, bien que les cinq Ordres des Bouddhas des trois temps aient tous fait l'effort d'envoyer les rayons de leur grâce et compassion, pourtant je n'ai pas été sauvé par eux. Hélas ! pour un être comme moi. Puissent les Déités qui tiennent le Savoir ne pas me laisser aller plus bas qu'ici, mais qu'elles me saisissent par le crochet de leur compassion et me conduisent aux saints paradis."
9. 14  
Pensant cela, sans distraction, prononce cette prière :
9. 15  
"Ô vous Déités qui tiennent le Savoir, je vous supplie, écoutez-moi ;
Conduisez-moi sur la Voie de votre grand amour,
Lorsque j'erre dans le Sangsāra à cause de mes tendances intensifiées,
Sur le brillant chemin de Lumière du Savoir né simultanément ;
Puisent me conduire les troupes des Héros,
Ceux qui tiennent le Savoir ;
Puissent me suivre les troupes des Mères, les Dākinis pour me protéger ;
Puissent-ils me sauver des terribles embûches du Bardo ;
Et me placer dans les purs royaumes du paradis."
9. 16  
Priant ainsi en foi et humilité profonde, il n'est pas douteux que l'on puisse naître dans les purs royaumes des paradis (208) après s'être fondu en lumière d'arc-en-ciel dans les Déités qui tiennent le Savoir.
9. 17  
Les pandits de toutes classes venant à connaître ce stage obtiennent aussi la Libération ; même ceux de mauvaises tendances peuvent être sûrs d'être libérés ici.
9. 18  
Ici se termine la partie du Grand Thödol concernant la confrontation avec les (Divinités) Paisibles du Chönyid Bardo et la mise face à face avec la Claire Lumière du Chikhai Bardo.
9. 19  
Notes

(196) De même que les atomes physiquement grossiers d'un corps humain privé de vie se séparent graduellement, vont à leurs places appropriées et redeviennent, ceux-ci des gaz, ceux-ci des liquides et d'autres des solides. Après la mort vient une dispersion graduelle des atomes psychiques ou mentaux du corps-pensée du Bardo, chaque tendance, régie par ses affinités karmiques, allant inévitablement vers les environs qui lui conviennent. Donc comme le suggère le texte, la passion brutale de la stupidité a une tendance naturelle à se tourner vers le royaume brute et s'y incarner comme une partie désintégrée de la mentalité du défunt.
(197) Texte : Rig-hdzin (pron. : Rig-zin) : "possédant le savoir". Ces divinités sont purement tantriques.
(198) Texte : Mkhah-hgro-ma, sans. : Dākinīs ; déesses-fées possédant des pouvoirs occultes particuliers en bien et en mal. Elles sont aussi purement tantriques et, comme telles, sont invoquées dans les principaux rituels du Bouddhisme du Nord.
(199) Esotériquement, le crâne (qui est humain) et le sang (humain également) qui le remplit signifie en un sens la renonciation à la vie humaine, l'abandon des sangsāras, l'immolation personnelle sur la croix du monde. Dans le rituel des offices lamaïques, il existe des ressemblances entre le sang (représenté par un liquide rouge) dans le crâne, et le vin (représentant le sang) dans le calice de la communion chrétienne.
(200) Un mūdra est un signe mystique exprimé par un geste de la main et des doigts ou du corps. Certains madras sont employés comme signes de reconnaissance par les membres de fraternités occultes à la manière du serrement de main maçonnique. D'autres employés principalement par les Yogīs, comme les positions du corps, font court-circuits, ou autrement dit changent le sens des courants magnétiques du corps. Placer la pointe de deux doigts l'un contre l'autre en mūdra, c'est contrôler dans ce sens les forces du monde ou courants de vie. Le mūdra de fascination est de cette dernière catégorie, il est fait avec la main droite dressée, l'annulaire touchant le pouce, l'index et le petit doigt dressés et le médius replié sur la paume de la main.
(201) Voir note (218).
(202) Ici les Dākinīs sont représentées comme divers ordres de fées demeurant dans des endroits différents. Les huit places de crémation sont celles indiquées dans la mythologie hindoue. Les trois demeures sont : le centre du coeur, celui de la gorge et celui du cerveau, sur lesquels, ésotériquement parlant, président certaines Dākinis (comme personnification des forces psychiques qui résident en chacun d'eux), comme d'autres Dākinīs président les lieux saints et les endroits de pèlerinages.
(203) Ce sont des peaux de rākshasas, une race de démons géants ayant une forme humaine et possédant certains siddhis (pouvoirs supranormaux).
(204) Les Lāmas tibétains, en chantant leur rituel, emploient sept ou huit sortes d'instruments de musique : grand tambour, cymbales (généralement en cuivre), cornes de coquillages, cloches (comme les clochettes employées au service de la messe catholique), timbales, petites clarinettes (rendant à peu près le son du bagpipe écossais ou biniou breton), grandes trompettes et trompettes faites avec l'os du fémur humain. Bien que les sons combinés de ces instruments soient loin d'être mélodieux, les Lāmas prétendent qu'ils produisent psychiquement chez les assistants une attitude de profonde vénération et de foi, car ils sont la contrepartie des sons naturels entendus dans le corps lorsqu'on bouche hermétiquement aux sons extérieurs ses oreilles avec ses doigts. Fermant ainsi les oreilles on entend un roulement sourd comme le battement du grand tambour, un son métallique comme celui des cymbales, un bruissement comme celui du vent dans les arbres, comme la corne de coquillage, un tintement de cloche, un battement aigu comme les timbales, un son plaintif comme celui de la clarinette, un mugissement bas comme celui des grandes trompettes et plus aigu comme celui de la trompette d'os. Ceci est intéressant non seulement comme théorie tibétaine de la musique sacrée, mais cela donne aussi la clé de l'interprétation ésotérique du symbole du "son naturel de la Vérité" (dont il est parlé dans divers passages) qui est dit être produit par les facultés intellectuelles dans le mental humain.
(205) C'est le Savoir né au moment ou s'achève la connaissance ; le Savoir né simultanément.
(206) Voir Addenda III.
(207) Voir note (196).
(208) Le mort étant tombé de plus en plus bas dans les stages du Bardo, regarde vers les mondes des cieux (qui sont les lieux d'incarnation dans les Sangsāras) au lieu de chercher le Nirvāna (qui est non-sangsārique) comme place de refuge. Bien que théoriquement le Nirvāna puisse s'atteindre de n'importe quel stage du Bardo, en pratique l'être ordinaire n'y arrive pas, par manque de karma méritoire. Donc le Lāma ou l'officiant essaie de tirer pour lui le meilleur parti possible de la situation où il se trouve inévitablement.


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Chapitre 9
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