Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

Le style de la Fontaine


Jean de La Fontaine : Le style de la Fontaine

Les pièces des divers recueils présentent généralement les deux composantes de l'apologue ésopique: un récit et une moralité. Certaines d'entre elles gardent aussi, dans leur structure, quelques traces de l'emblème humaniste.

D'un naturel parfait, Jean de La Fontaine est un admirable narrateur. Son style, extrêmement souple, se prête à l'expression de tous les sentiments. Son vocabulaire reflète toutes les richesses de la langue classique, tout en empruntant volontiers des tours de langage au XVIe siècle, notamment à Marot et Rabelais. Mais l'ensemble se caractérise par le dépassement de tous les cadres rigides. De subtiles modulations président à l'extrême diversité des Fables. Jean de La Fontaine varie à l'infini la place et l'expression de la moralité: ici implicite, là commune à deux récits, ailleurs dévolue à un personnage. Il manie le vers libre avec une invention sans cesse renouvelée, en tire des effets inattendus, déploie un art consommé de la narration, multiplie les dialogues entre les protagonistes, parsème ses récits de touches descriptives, pratiquant à merveille l'«amplification» à partir d'un ou de plusieurs canevas entrelacés. Les animaux sont affublés de noms et surnoms, de grades et de titres de noblesse. Les silhouettes sont croquées d'un trait de plume (le héron «au long bec, emmanché d'un long cou»); le caractère d'un personnage est rendu par une image, une expression (le chat tartuffe, «un saint homme de chat»). Et combien de notations poétiques recréent les êtres et les éléments (les pigeons appartiennent à cette nation «au col changeant, au cœur tendre et fidèle», les roseaux naissent «sur les humides bords des royaumes du vent»). Ce qui fait l'unité des Fables, c'est la gaieté qui parcourt toute l'œuvre, ce mélange d'ironie et de naturel où l'on entend, reconnaissable entre toutes, la voix flexible de La Fontaine, gaieté grâce à laquelle aucune œuvre n'illustre mieux le précepte classique: «instruire et plaire».

La morale


Quelle pensée morale, philosophique ou politique se dégage des Fables? Il ne faut pas y chercher une vision d'ensemble, correspondant à un dessein de l'auteur. Mais on peut, à travers sa méditation multiforme, et souvent impromptue, retrouver chez Jean de La Fontaine des attitudes permanentes. Il ne remet pas en cause le régime de la monarchie et préconise, en politique extérieure, la recherche de la paix. Il s'élève contre les superstitions, prend position dans le débat sur l'âme des bêtes en réfutant la thèse cartésienne des animaux-machines et se fait l'écho d'un épicurisme mesuré. L'ami des bêtes, le légendaire «bonhomme», désigne ses ennemis jurés: les pédants de collège et les courtisans. Il livre souvent le spectacle d'un univers cruel, où les agneaux sont mangés par les loups. Lucide, il se contente de prodiguer des conseils de bon sens, une morale pratique faite surtout de prévoyance face aux dangers des voyages ou de l'ambition. Mais il faut aussi prêter l'oreille à ses confidences et l'écouter vanter les bienfaits de l'amitié (les Deux Amis)
ou de la solitude (le Songe d'un habitant du Mogol). Là réside sans doute la leçon ultime de l'œuvre.

La fin d'une carrière
Élu à l'Académie en 1683, Jean de La Fontaine attendra plus de cinq mois pour y être reçu, Louis XIV ayant fait dépendre son approbation de l'élection préalable de son historiographe Boileau. Lorsque la querelle des Anciens et des Modernes éclate (1687), son Épître à Huet le montre partisan modéré des Anciens. À la mort de Mme de La Sablière (1693), Jean de La Fontaine sera accueilli par un couple d'amis, les d'Hervart. Il revient à la religion: quand, le 13 avril 1695, mourra celui qui aura été toute sa vie «Volage en vers comme en amours», on trouvera sur lui un cilice.


  
  
  


Source : Données encyclopédiques, copyright © 2001 Hachette Multimédia / Hachette Livre, tous droits réservés.

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