Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

Le combat encyclopédique


Jean-Jacques Rousseau : Le combat encyclopédique

Plus proche de Diderot, de d'Alembert et de Condillac,Jean-Jacques Rousseau participe à la lutte philosophique et à l'élaboration de l'Encyclopédie, travaille comme secrétaire et documentaliste, s'initie à la chimie, paraît dans quelques fêtes – où les grandes dames se jouent de lui –, tandis que Thérèse accouche d'un enfant qu'ils abandonneront sans regrets, comme les quatre autres qui suivront. Dès 1747, Diderot lui confie la rédaction des articles de l'Encyclopédie concernant la musique, et, en 1749, Jean-Jacques Rousseau s'engage résolument aux côtés de son ami emprisonné à Vincennes dans son combat contre les faux pouvoirs. C'est à cette époque qu'il apprend que l'académie de Dijon propose, pour le prix de l'année 1750, de déterminer si le progrès des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs. «À l'instant de cette lecture, affirme-t-il dans les Confessions, je vis un autre univers et je devins un autre homme.» Il se hâte de rédiger, dans son Discours sur les sciences et les arts, un réquisitoire vibrant contre l'Histoire, qui, dans son cours implacable, rejette le monde de la pauvreté et cache les scandaleux privilèges des puissants sous le masque des arts et des sciences. Jean-Jacques Rousseau reçoit le prix, est imprimé, beaucoup lu: il accède enfin à la gloire.

Le «citoyen de Genève»
Malade à nouveau, il se veut néanmoins solitaire, quitte ses protecteurs, se fait copiste de musique et compose en quelques jours un opéra, le Devin du village (1752), chantant l'impossible amour dans le mensonge des villes. Le public est enthousiaste, et Jean-Jacques Rousseau s'en inquiète. Refusant d'être présenté au roi, s'affublant pour la première du Devin à la cour d'une barbe et d'une mauvaise perruque, il est rassuré par l'échec du premier opéra qu'il avait écrit, Narcisse ou l'Amant de lui-même (1752), joué sans nom d'auteur. Pour faire bonne mesure, il prend parti contre la musique française en affirmant qu'au contraire des Italiens les Français «n'ont point de musique». En 1755, son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
, en réponse au nouveau concours de Dijon, lui permet d'aller encore plus loin: la différence naturelle des hommes n'explique en rien leur inégalité sociale, c'est l'Histoire qui les rend inégaux, non leur nature. Le «citoyen de Genève», comme il aime signer, retourne alors en son pays, abjure le Catholicisme pour revenir à l'austérité calviniste, mais il rejoint Paris en 1754 pour y faire publier son Discours. Voltaire, déjà attaqué en 1750, et lui aussi citoyen genevois, le moque méchamment, le traite de cynique, de misanthrope, et dénonce son orgueil. Souvent terrifiés par son radicalisme philosophique, généralement désespérés de son concubinage avec Thérèse (qu'il n'épousera que le 30 août 1762, un mois après la mort de Mme de Warens), toujours choqués par son intransigeance, ses amis s'éloignent, et Jean-Jacques Rousseau s'enferme de plus en plus dans sa solitude hautaine.

Les trois grandes œuvres de l'ermite
Jean-Jacques Rousseau quitte Paris pour méditer à la campagne, non loin de Montmorency, à l'Ermitage de Mme d'Épinay. En 1757, il se fâche avec Diderot, qui, dans le Fils naturel, stigmatise les ermites et affirme que «l'homme de bien est dans la société». La même année, il vit un amour malheureux et terrible avec Mme d'Houdetot (que l'on dira être le modèle de la Julie de la Nouvelle Héloïse), s'incline finalement devant la passion de son ami Saint-Lambert pour la jeune femme, défraie la chronique et quitte l'Ermitage pour s'installer dans les environs, à Montlouis, dans une maison en ruine, avec Thérèse. Seul encore, il s'oppose à d'Alembert dans sa Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758), en soutenant que le théâtre flatte les penchants des hommes et ne peut les amener à la vertu. Le succès de cette lettre amène M. de Luxembourg à s'intéresser à lui, mieux, à faire reconstruire très confortablement sa retraite de Montlouis – une dépendance du château de Montmorency –, où il écrit l'Émile, Du contrat social et Julie ou la Nouvelle Héloïse.

«Julie ou la Nouvelle Héloïse»
À partir de 1756, et durant cinq ans, il travaille à ce roman par lettres qui lui permet de peindre, à travers la passion de Julie et de Saint-Preux, la distance entre l'amour écrit, lu, et l'amour vécu, entre l'amour pur, absolu, et sa réalisation sociale. En 1761, lors de la publication, tout Paris s'enflamme, verse des larmes en constatant l'écart des passions: la Nouvelle Héloïse sera, et pour près d'un siècle, le roman le plus lu et le plus vendu.

L' «Émile»

L'Émile, écrit de 1758 à 1762, est nourri des longues expériences de précepteur faites par Jean-Jacques Rousseau. Il y soutient qu'il faut préparer avant tout un futur citoyen à la vertu, mais qu'il n'est pas de vertu possible sans société équitable. En affirmant que l'enfant possède en lui la juste loi naturelle et qu'il s'agit de la lui révéler sans brusquerie, il fait de l'éducateur un ami et du vicaire savoyard un homme de foi qui ouvre l'enfant à Dieu, en pleine liberté.

«Du contrat social»

À la société pervertie il oppose le Contrat social (1762), par lequel il entend bouleverser les pensées politiques: «[...] trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant».

Les autodafés et le complot
Devant le succès, le scandale et la maladie, il est temps pour Jean-Jacques Rousseau de faire le bilan de sa vie. Il tente de réparer son attitude à l'égard de ses cinq enfants abandonnés en cherchant à les reconnaître, tout d'abord; en s'assurant que Thérèse aura toujours de quoi vivre, ensuite. Mais il en vient à considérer que le monde entier complote pour le perdre


  
  
  



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