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Une religion sans temples ni statues


Celtiques : Une religion sans temples ni statues

Malheureusement, la disparition de cette religion avant qu'elle ne puisse être couchée sur les parchemins a eu pour conséquence majeure qu'elle nous reste en grande partie encore inconnue. En effet, les principaux témoignages qui subsistent sont ceux des Romains et des Grecs, qui, non pas qu'ils ne soient pas dignes de foi, ne furent pas toujours d'une objectivité exemplaire. L'archéologie est ici d'une aide assez limitée, car la statuaire divine des celtes était assez pauvre, en général, et assez tardive (elle n'est apparue qu'avec l'arrivée des romains, qui prenaient par contre un grand plaisir à représenter leurs dieux). Non pas qu'ils fussent moins bon sculpteurs que les grecs ou les romains, mais la disposition spirituelle des celtes, assez proche en cela du Judaïsme, refusait en général la représentation des dieux, au moins sous des traits humains. "[Les druides], philosophes et idéalistes, n'admettaient pas la représentation anthropomorphique des dieux, ni l'édification de temples, véritables blasphèmes, outrages à la divinité, c'est pourquoi aucune statuaire religieuse celtique ne vit le jour avant la conquête romaine", explique Raimonde Reznikov.

Ces même druides, refusant en outre comme nous l'avons vu toute forme d'écriture, n'ont jamais consigné nulle part le moindre témoignage durable sur la richesse de la spiritualité celte, dans sa finesse et sa diversité. Pour retrouver l'esprit du panthéon celte, il faut se tourner vers les ultimes témoignages qui en restent. Quelques écritures - tardives elles aussi - nous donnent les noms de certains dieux. Encore une fois, c'est César, qui dans sa Guerre des Gaules donne un certain nombre d'indications. Mais conformément à une habitude gréco-romaine, celui ci a essayé de trouver dans les dieux celtes un équivalent de chaque dieu romain. L'initiative est assez salutaire, puisque ces deux panthéons trouvent leur origine dans la vieille religion indo-européenne. Mais l'opération n'est pas toujours entièrement satisfaisante, car là ou la religion romaine voyait une fonction et une hiérarchie très précise pour chaque dieu, les celtes donnaient moins d'importance à ce genre de classification catégorique. Les dieux gaulois, très humains en cela, pouvaient certainement se définir par un tempérament autant que par leur fonction. Ce tempérament, ces traits de caractère n'étaient certes pas sans influer sur le rôle de chacun d'entre eux, mais il ne fallait en aucun cas y voir un carcan qui les circonvienne absolument. La comparaison de Jules César, cependant, a servi de base à des études intéressantes, et a permis de dresser une ébauche assez satisfaisante du panthéon gaulois.
Quant aux dieux celtes des îles britanniques, et notamment de l'Irlande : si l'on peut reprocher au Christianisme d'avoir fait disparaître en partie le mode de pensée celte - sans doute à juste titre -, on ne peut malgré tout lui imputer tous les maux. Les moines irlandais, peu après la christianisation de leur île, prirent en effet l'excellente initiative de rapporter par écrit la plupart des sagas irlandaises pré chrétiennes, en les teintant d'évangiles évidemment, mais en restituant toujours avec beaucoup de soins la grandeur de ces épopées mythiques. Cliquez sur le lien qui suit pour découvrir un extrait de la saga de Cùchulain, préservée malgré tous les siècles qui nous séparent de ces époques de gloire et d'aventure. D'autres récits mythiques viendront s'ajouter sur ce site d'ici quelques temps.

Les manuscrits qui relatent ces récits comptent d'ailleurs parmi les plus magnifiques exemples de l'enluminure irlandaise du haut moyen âge, avec le Book of Kells (voir la page consacrée à l'art chrétien irlandais). Si vous êtes intéressé par le cycle des Thuatha dé Danann, cliquez ici pour en voir un résumé.

Concernant le panthéon celtique en général, plutôt que de tenter un inventaire exhaustif de ces dieux et personnages héroïques (vous trouverez les références d'un certain nombre d'excellents dictionnaires de la mythologie celtique dans la bibliographie), il apparaîtra certainement plus intéressant de dresser les grands traits du druidisme, et de présenter brièvement les principaux dieux des panthéons gaulois et insulaire.

Les fonctions druidiques

A titre liminaire, il faut apporter quelques précisions sur les fondements de la vie religieuse chez les peuples celtes. Quant à la classe sacerdotale, d'abord : on utilise la dénomination de "druide" (étymologiquement dru-uid-es, "les très savants") pour représenter le clergé dans son ensemble. En réalité, cette fonction recouvrait plusieurs tâches distinctes, et une catégorie particulière de druide était chargée de chacune d'entre elle :

- Le théologien, qui est l'archétype du druide que nous connaissons. Il présidait aux cérémonies religieuses les plus importantes, mais son rôle ne s'arrétait pas là. Il comprenait également la médiation, l'explication et le commentaire de textes sacrés, ainsi que la fonction judiciaire, en tant qu'arbitre chargé de l'application du droit coutumier (nommé droit brehon en Irlande), et l'instruction des enfants.

- Le barde, poète de la tribu (File en Irlande), chanteur, musicien, conteur… Le rattachement de cette catégorie d'artiste à la classe sacerdotale illustre l'importance que les celtes accordaient aux arts et à la musique.

- Le devin (vatis en Gaule, fàith en Irlande), qui s'occupe de toute la partie pratique, divinatoire, magique du savoir sacerdotal.


  
  
  



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