Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

Le renouveau du théâtre


Victor Hugo : Le renouveau du théâtre

Chef de famille et chef de bande, tel est le Hugo qui attaque sa dernière Bastille: le théâtre, protégé du romantisme par la tradition et la censure. L'offensive se fait en trois temps. En 1827, acte I, théorique: Cromwell et sa Préface proclament la liberté dans l'art, la mort des «règles» classiques, la beauté moderne du «grotesque». En 1829, acte II, politique: Charles X fait interdire Marion de Lorme pour atteinte à la majesté royale; Victor Hugo rompt avec le régime. En 1830, le rideau se lève sur Hernani. Enfin mobilisée pour sa cause, voici l'armée des fidèles, violemment parés et décoiffés, visibles, voyants, sonores; en première ligne, le gilet rouge de Gautier et la crinière de Dumas. Contre les «perruques» académiques et les «grisâtres» classiques, les «flamboyants» défendent, pied à pied, l'alexandrin romantique. Succès de scandale, la bataille d'Hernani s'achève sur un triomphe financier et la victoire de l'art nouveau.La fin des illusions
En juillet 1830, le peuple de Paris croit en avoir fini avec la répression rétrograde et les rois. Mais cette révolution piratée par la bourgeoisie n'aboutit qu'à changer la dynastie pour moderniser la monarchie. Amer, Victor Hugo constate la faillite de son «ancienne conviction royaliste et catholique» et l'impuissance d'un peuple encore immature. Tout s'écroule, même l'unité familiale voulue avec acharnement. Adèle s'est éprise de l'ami de Victor Hugo, son frère d'élection: Sainte-Beuve, parrain de la petite Adèle. L'histoire familiale se répète; Sainte-Beuve ravive les drames de jadis en reprenant, à son insu, le rôle de Lahorie, comme lui ami du père et parrain, avant d'être l'amant. De cette double crise, morale et personnelle, un texte témoigne, Notre-Dame de Paris. Dans la nuit médiévale se débattent en vain un peuple exclu de la parole, infirme et grimaçant, une jeune fille trop désirable pour ne pas en souffrir, un prêtre exclu de l'amour mais non de ses tortures déchirantes.

Hugo arrivé


À trente ans, Victor Hugo est un homme désenchanté. Les succès ne lui suffisent pas; il veut la gloire, les honneurs, le bonheur.

Vie mondaine et production intense

Le salon rouge de sa nouvelle demeure, place Royale, est vite un lieu chic, d'autant plus que son hôte fait encore scandale: son nouveau drame, Le roi s'amuse (1832), est interdit. Mais on ne fera pas taire l'écrivain, qui, deux mois plus tard, donne Lucrèce Borgia: son nom ne quittera plus le fronton des théâtres pendant dix ans. Les succès de Marie Tudor, d'Angelo et de Ruy Blas, les reprises d'Hernani et de Marion de Lorme viennent confirmer la vitalité d'un poète, qui, parallèlement, publie ses grands recueils lyriques, Feuilles d'automne, les Chants du crépuscule, les Voix intérieures, les Rayons et les Ombres.

Déjà fort occupé par une vie familiale et mondaine chargée, par le souci de publications multiples, Victor Hugo trouve la force, l'audace, de découvrir un autre mode d'existence, la passion. C'est une comédienne ravissante, Juliette Drouet, qui lui révèle les violents vertiges du plaisir; à la liaison surveillée, Victor Hugo préfère l'amour illimité et risque sa réputation pour une courtisane, dont il décide de racheter la «faute» et les énormes dettes. En retour, elle lui vouera, cinquante ans durant, une adoration courageuse, une énergique dévotion. Ils voyagent; des expéditions rêveuses les entraînent vers les charmes méconnus de la Normandie, de la Belgique, des bords du Rhin, des Pyrénées espagnoles.

Le «vicomte Hugo»


Victor Hugo gravit avec le même bonheur les marches de la notoriété. Protégé du duc d'Orléans, admis dans la familiarité du roi, il vise la pairie, qui convertira sa célébrité en autorité morale. Entrer à l'Académie en est la condition. Les «vieux blaireaux» résisteront cinq ans aux assauts du «barbare». Une seule voix lui est d'emblée acquise, celle de Chateaubriand. «Assis», nanti, le «vicomte Hugo» est un notable, mais un notable qui n'a pas oublié que la guillotine, le bagne et la prostitution existent, qui témoigne dans un commissariat en faveur d'une prostituée injustement arrêtée, qui observe la rue, les mômes, l'émeute – et note dans ses carnets «l'écume du malheur».


  
  
  



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