Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

La logique aristotélicienne


Aristote : La logique aristotélicienne

Aristote distingue les sciences théorétiques (philosophie première, théologie et ontologie, mathématiques, physique), pratiques (éthique et politique) et poétiques (qui traitent de la production et des techniques dans les divers arts et métiers). Il n'est pas aisé de fixer une place à la logique dans cette classification: elle est, en un sens, un art et une technique du discours vrai, mais ses implications relatives à la vérité et à l'être en font aussi une discipline théorique, dont l'enjeu est métaphysique. La logique d'Aristote est la doctrine du logos (mot qui signifie à la fois la parole, le discours et la raison). Elle est exposée dans les divers traités réunis sous le nom d'Organon (l'outil philosophique par excellence), qui proposent l'analyse approfondie de ce qui constitue la différence spécifique de l'être humain: la parole. Aristote définit en effet l'Homme comme «le vivant qui possède la parole». Quant à la parole logique, c'est celle qui se soucie de «rendre manifeste ce qui est». De ce fait, elle est susceptible de recevoir une valeur de vérité: le vrai ou le faux. Elle relève donc du jugement, et non pas des sentiments pris en considération par les modes du discours qu'étudient la Rhétorique ou la Poétique.

Le raisonnement déductif


Dans les deux premiers traités de l'Organon, les Catégories et De l'interprétation, la parole susceptible de vérité est définie comme l'attribution d'un prédicat à un sujet. Sa structure comporte donc un nom énonçant ce dont on parle (le sujet) et un verbe désignant ce qui est dit du sujet (le prédicat). Dans tout jugement de la forme «Socrate est mortel», l'union du sujet et du prédicat («attribut») se fait par la copule: le verbe «être». Les deux termes ainsi réunis impliquent une signification caractéristique du verbe «être». Ces significations de l'«être», impliquées dans les formes de la prédication, sont les catégories.

Les Premiers et les Seconds Analytiques étudient le raisonnement déductif, le «syllogisme» et ses multiples figures. Cette forme du raisonnement consiste à déduire, de deux propositions données supposées vraies (les prémisses), une troisième proposition qui en soit strictement la conséquence, sans que d'autres propositions aient été sous-entendues. Par exemple, des deux prémisses: «Tous les hommes sont mortels» (proposition majeure du syllogisme) et «Or, Socrate est un homme» (proposition mineure) s'ensuit nécessairement la conclusion: «Donc Socrate est mortel.» Les formes possibles du syllogisme (ses «figures») sont étudiées systématiquement par la syllogistique: elle isole les divers types de propositions qui peuvent y être impliquées. Cette typologie est établie notamment en fonction de la portée quantitative – universelle, particulière ou singulière – des propositions, mais aussi en fonction de la compréhension et de l'extension des concepts qui y sont sujets ou prédicats. La syllogistique procède, en effet, à toute une hiérarchisation des concepts en genres, espèces et individus: c'est parce que tous les hommes, constituant l'espèce humaine font partie du genre des mortels (classe plus vaste), et parce que l'individu Socrate appartient à l'espèce humaine, que Socrate appartient aussi, nécessairement, au genre des mortels, genre auquel son espèce appartient.

Les principes du raisonnement


Les présupposés fondamentaux qui sous-tendent le raisonnement sont également traités dans les Analytiques, qui démontrent la nécessité de remonter jusqu'aux principes et aux axiomes présupposés dans toute déduction et démonstration. Il faut pour cela procéder à une opération d'induction. Mais ces principes eux-mêmes ne sauraient être ni déduits ni démontrés: sinon, il faudrait remonter jusqu'à l'infini. Aristote émet alors l'hypothèse que les premiers principes – tels que la non-contradiction, que tous les autres principes présupposent – sont adoptés dans tout raisonnement par une «saisie intuitive».

Les Topiques – l'un des deux derniers traités de l'Organon avec les Réfutations sophistiques – étudient une forme de pensée préscientifique. Il s'agit de la discussion qui aborde indistinctement tous les sujets, sans analyser préalablement les principes fondamentaux qui leur sont propres. Ainsi, au lieu de se fonder sur des prémisses vraies et immédiates comme le syllogisme scientifique, la discussion se réfère à des «lieux communs» (topoi), c'est-à-dire des prémisses seulement probables qui sont admises sans examen par les interlocuteurs. Aristote voit un intérêt double dans l'analyse des opinions communes qui sont rapportées dans la discussion. Elle permet, premièrement, d'apprendre à argumenter à la fois pour et contre une idée, et, ce faisant, à mieux discerner le vrai du faux. Deuxièmement, puisque les opinions, comme les premiers principes des sciences, naissent de l'intuition, leur étude donne accès à l'appréhension des principes scientifiques. Par ailleurs, les Topiques proposent, à partir de l'analyse des prémisses de la discussion, une classification des prédicats. En effet, selon son rapport avec le sujet, le prédicat peut exprimer en effet l'essence du sujet (c'est le cas de toute définition), ou une de ses propriétés, ou encore son genre ou une de ses particularités accidentelles. Il s'agit donc là d'argumentations dialectiques, où l'on ne démontre pas, mais où l'on recherche simplement ce qui est vrai. Quant aux Réfutations, Aristote s'y emploie à la critique des argumentations fallacieuses des sophistes.

La métaphysique
La logique d'Aristote n'est pas simplement un instrument formel de connaissance scientifique. Elle conduit la méditation jusqu'à la question «des premiers principes et des premières causes», jusqu'à la question de l'être en tant qu'être: Que signifie être? Qu'est-ce qui est, à proprement parler? La voie s'ouvre alors à la «science de l'être en tant qu'être», autrement dit à la «philosophie première», qui fut par la suite appelée métaphysique, du fait que les livres qui en traitaient se trouvèrent placés à Alexandrie après la Physique (méta ta physika ) dans le catalogue des œuvres d'Aristote établi par Andronicos de Rhodes.


  
  
  



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