Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

La doctrine cartésienne


Descartes : La doctrine cartésienne

L'on peut diviser arbitrairement l'œuvre de Descartes en diverses parties : philosophie, métaphysique, physique, biologie et enfin morale. Dans chacune d'elles, la méthode appliquée par Descartes est identique : elle se fonde sur le doute, qui doit permettre d'atteindre la vérité.

Objet et méthode de la philosophie


Ouvrant la voie à la philosophie moderne, Descartes a fait des idées le véritable objet de la connaissance philosophique. C'est par elles, affirme-t-il, que l'esprit connaît les choses : certes, les idées ne se trouvent que dans l'esprit, mais elles ont la propriété de représenter les choses qui sont hors de l'esprit.

Conquête de la vérité


La philosophie est l'étude de la sagesse. Comme les conquistadores s'élançaient vers des terres inconnues, Descartes prend hardiment la route qui doit le conduire à des vérités nouvelles, à la vérité universelle. Consacrer sa vie à la vérité est pour lui la meilleure des occupations, la plus digne de l'homme. À la fin de ses études, il s'était trouvé embarrassé de doutes et d'erreurs ; certes, les mathématiques l'avaient séduit par l'évidence de leurs raisons, mais la philosophie et les sciences qui en dépendent n'atteignent, estime Descartes, que le vraisemblable et ne sont par conséquent d'aucune utilité.

Cette philosophie spéculative doit céder la place à une philosophie pratique, qui nous permettra d'utiliser les forces naturelles et ainsi de «nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature». Alors les hommes pourront jouir, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y rencontrent ; ils pourront conserver la santé et peut-être même «s'exempter de l'affaiblissement de la vieillesse» ; enfin, l'esprit dépend si fort du tempérament qu'ils deviendront, grâce à la médecine, plus sages et plus habiles.

Ainsi, la sagesse, dont la philosophie est l'étude, n'est autre que la «parfaite connaissance de toutes les choses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l'invention de tous les arts». «Toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les trois branches principales la médecine, la mécanique et la morale.»

Selon Descartes, «le bon sens est la chose du monde la mieux partagée», ainsi que le proclame la sentence qui ouvre le Discours de la méthode. Comment parvenir à la vérité ? Par le «bon sens» ou la raison, qui distingue l'homme de l'animal, et qui est justement «la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux». La raison comporte deux facultés : l'intuition, «lumière naturelle», «instinct intellectuel» qui saisit immédiatement son objet, et la déduction par laquelle «nous comprenons toutes les choses qui sont la conséquence de certaines autres».

Le mathématicien, par exemple, connaît par intuition ces «natures simples» que sont la figure, la grandeur, le lieu, le temps, etc. ; ou bien des vérités indubitables comme : un globe n'a qu'une surface ; ou enfin le lien entre deux vérités : entre 1 + 3 = 4, 2 + 2 = 4, d'une part, 1 + 3 = 2 + 2 d'autre part. Les mathématiques nous montrent aussi combien la déduction est différente du syllogisme; à la stérilité du syllogisme, qui sert plutôt à enseigner qu'à apprendre, s'oppose en effet la fécondité de la déduction, qui détermine la nature d'une chose inconnue au moyen de ses relations avec les choses connues : ainsi, l'on calcule un terme d'une progression, ou l'inconnue d'une équation.

La vraie méthode



La mathématique universelle



La raison, toutefois, n'est pas la méthode ; «car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien»; le rôle de la méthode est d'indiquer comment doit s'opérer la déduction, et comment il faut faire usage de l'intuition. Ici encore, les mathématiques fournissent le modèle ; leurs «longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles», nous amènent à penser que «toutes les choses, qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, s'entre-suivent en même façon» ; ajoutons que, la méthode insistant plus en pratique qu'en théorie, le meilleur moyen de l'apprendre est de l'appliquer systématiquement aux cas les plus simples : les mathématiques accoutument ainsi l'esprit à «se repaître de vérités».

Mais, pour que la méthode mathématique puisse être étendue à tous les objets de connaissance, elle doit acquérir d'abord, dans son domaine propre, un degré de généralité suffisant. Des «mathématiques vulgaires» — arithmétique, géométrie, astronomie, musique, optique —, qui portent sur des grandeurs particulières, il faut dégager une «mathématique universelle», qui considère les rapports ou proportions en général. Or, en perfectionnant le symbolisme algébrique (emploi des lettres et des exposants) et en approfondissant les méthodes de résolution des équations, Descartes fait de l'algèbre un instrument capable d'exprimer les propriétés des figures ; synthèse de l'algèbre des Modernes et de l'analyse géométrique des Anciens, la géométrie analytique traduit dans le langage du nombre les variations continues des grandeurs spatiales ; dès lors, les mathématiques peuvent étudier le mouvement, qui est l'essence de tous les phénomènes naturels.

Les quatre préceptes



Le Discours de la méthode simplifie la logique, ramenée à quatre préceptes fondamentaux. «Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle.» À l'autorité d'Aristote, Descartes substitue celle de la raison, c'est-à-dire le libre examen ; certes, l'intuition ni la déduction ne s'apprennent ; ce que prescrit Descartes, c'est d'apprendre à n'employer qu'elles. L'évidence qu'elles procurent consiste dans la clarté et la distinction des idées : une idée est claire quand elle est présente et manifeste à un esprit attentif ; elle est distincte quand l'esprit voit si bien ce qu'elle contient qu'il la distingue nécessairement de toute autre.

Les notions complexes deviennent claires et distinctes lorsqu'on les réduit à leurs éléments. D'où le deuxième précepte : «… diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre» ; ainsi le mathématicien dégage les «natures simples» et l'«absolu» d'un problème, c'est-à-dire la condition dernière de sa solution : il trouve, par exemple, autant d'équations que de lignes inconnues. Inséparable du second, le troisième précepte est «de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés» ; ainsi, Descartes, dans ses recherches mathématiques, commence par les questions «les plus simples et les plus générales» et triomphe à la fin de plusieurs «qu'il avait jugées autrefois très difficiles»

Car il a suivi «le vrai ordre» et, de plus, «dénombré exactement toutes les circonstances» de ce qu'il cherchait, c'est-à-dire découvert tout ce qui était nécessaire et suffisant pour résoudre les questions ; si, par exemple, on veut étudier les sections coniques, il faut et il suffit que l'on tienne compte des trois cas possibles : le plan qui coupe le cône est perpendiculaire, parallèle ou oblique à son axe ; tel est, semble-t-il, le sens du dernier précepte : «… faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre».


  
  
  



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